
Je suis né à Cajarc en 1944 et j’ai grandi dans l’une de ces demeures seigneuriales où s’est écrite l’histoire de la ville. Enfant, j’ai grimpé sur les dolmens, cherché des traces de mains sur les parois des cavernes, joué dans les ruines des châteaux, côtoyé une très vivante langue occitane. Après une vie professionnelle dans la culture, l’informatique et la communication, je me suis fait aujourd’hui historien, linguiste, généalogiste, pour me consacrer au questionnement qui me passionne depuis toujours : comment le Temps, comment l’Histoire ont "fabriqué" ma ville attachante et singulière ?
Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, j'ai toujours ressenti un "déficit" de connaissances sur le petit monde qui m'environnait ; avec le sentiment que ce déficit était largement partagé par mon entourage, y compris par nos enseignants. Avec un corollaire de poids : la compréhension du "grand" Monde, du "Pays", de la "Grande Histoire" en était largement affectée : comment saisir la "Culture de la Tène", "le Néolithique", si les dolmens n'étaient qu'un tas de pierres terrain de jeu ? Comment comprendre la "féodalité", "Versailles", si j'ignorais le nom, l'existence même des seigneurs de mon village et leurs liens avec les "étages supérieurs" ? Comment apprécier les Troubadours et "l'Amour Courtois" si le parler de mes parents et grands-parents n'était qu'un patois grossier et fruste ?
Je ne peux mieux dire que ce que j'écris en avant-propos de mon livre : « Souvent, je m'interrogeais sur ces vestiges de l'histoire que nous étions amenés à côtoyer sans cesse, mais que nul ne nous expliquait vraiment ; sur leur origine, leur sens, leur cohérence... ces ruines, ces châteaux, ces pierres levées, ces noms de lieux et de personnes aux consonances familières et étrangement déjà obscures, ces traces incertaines léguées dans l'argile ou sur les parois des grottes par des ancêtres improbables... et cette langue à la douceur rugueuse que les adultes nous interdisaient - pour notre bien disaient-ils - en même temps pourtant qu'ils la vantaient si belle, si expressive, si indispensable...
J'ai conservé et alimenté toute ma vie cet appétit de questionnement. J'ai lu, cherché, consulté, visité, engrangé.
Il fallait bien finir par se poser enfin, et tenter d'y mettre de l'ordre. »